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La Ceppède, ou la fuite du sens
| Content Provider | Semantic Scholar |
|---|---|
| Author | Chouinard, Daniel |
| Copyright Year | 1987 |
| Abstract | This brief paper is a first attempt in contrasting La Ceppède's poems and the monstruous "commentaires"in the Théorèmes. Itis found that La Ceppède reverses the expected order of reading, since the commentaries are meant to précède the text itself, by narrowing the possible interprétations and controlling the formulation of meaning. Dans son étude sur le discours du commentaire, Michel Charles, multipliant les paradoxes, ne manque pas de bouleverser nos préventions à l'égard d'une pratique universellement discréditée depuis ce qu'il faudrait appeler la révolution montanienne. En effet, ces préventions s'avèrent maintenant si fortes que tout lecteur, plus ou moins consciemment, assimile le commentaire à une fixation au stade anal de l'apprentissage de la lecture: «Le texte, ces gloses qu'on a faites dessus évoquent, pour le mauvais esprit nourri de l'idéologie renaissante et des métaphores rabelaisiennes, ce texte des Pandectes, si beau, si grand, mais souillé de la merde qu'est la glose d'Accurse. Voilà qui touche, si on veut, au versant Rabelais de la critique du commentaire, celui des «pois au lart cum commente)». Or, l'analité ne saurait à elle seule expliquer notre malaise devant les gloses, notules, apostilles, annotations et autres traces de la lecture scolastique. C'est au versant Montaigne qu'il appartient de révéler la véritable nature du scandale 94 ÉTUDES LITTÉRAIRES — AUTOMNE 1987 que constitue le commentaire. Le célèbre «nous ne faisons que nous entregloser» fait moins apparaître le réseau infini des interprétations, qui en viennent à masquer ou à occulter le texte originel, que l'aspect producteur de leur prolifération : le texte générerait en soi le commentaire tout comme le commentaire, par un curieux effet de réfraction, serait susceptible de générer à son tour le/du texte. Car, soutient M. Charles, «glossa désigne, au terme, et le texte biblique et le commentaire», c'est-à-dire, «deux textes qui peuvent se mêler et qui finissent par se substituer l'un à l'autre». Certes, une telle analyse renverse les idées reçues sur la dialectique texte/ commentaire, mais il subsiste toutefois une certaine insatisfaction dans notre esprit : nous voulons bien qu'un texte produise du texte, à condition cependant d'être à même d'observer cette production textuelle en acte (in progress) et d'en définir, si possible, les éléments et les étapes. C'est ici qu'une œuvre de l'ampleur des Théorèmes de La Ceppède se montre du plus haut intérêt. D'emblée, l'exemple retenu peut sembler porter à faux: l'auteur, d'une part, commente lui-même — et d'abondance! — les quelque cinq cent vingt et un sonnets qui composent le gros de l'ouvrage; d'autre part, il incorpore poèmes et gloses dans un ensemble concerté de pièces justificatives, d'index et de tables formant un véritable appareil critique avant la lettre. Tout porte à croire, a priori, que la question du sens, dans l'appréciation des Théorèmes, ne devrait nullement être problématique puisque chaque élément en présence sert à fixer la sententia, en d'autres termes l'interprétation finale et globale de l'œuvre, et que, par conséquent, tout concourt à prouver la parfaite orthodoxie du propos. Ainsi, l'épithète « fatale » appellera une explication de deux pages qui se terminera sur l'apologie suivante : Si donc le mot de fatum, n'est point absolument rejetable, ains permis à tous (adiuncta sana interpretatione) à tant qu'il n'est point licite, de contester contre celuy qui en vse au sens susdit, côme dit le mesme Suarez en ladite sect. Il nomb. 4. sur la fin, & nomb. 12. A plus haute raison est-il loisible au Poëte, d'en vser pour l'elegance de la Poësie, & à l'autheur de ces vers, puis qu'il l'entend, & désire qu'il soit entendu sainement, comme il l'explique bien clairement à la fin de ce sonnet : & qui sousmet, & ce trait & toutes ces autres paroles & conceptions, au solide jugement et correction de l'Eglise. Et l'évidence s'impose d'elle-même: l'immense appareil « métatextuel » s'articule comme un commentaire traditionnel, LA CEPPÈDE, OU LA FUITE DU SENS 95 à cette seule différence près que «l'autheur de ces vers» s'arroge et assume les fonctions dévolues à l'Autre, lector/ scriptor, compilator, commentator, etauctor, c'est-à-dire qu'il s'érige en dépositaire ultime du Sens. La Ceppède, d'un côté, exploite à fond les formes canoniques du commentaire: les gloses marginales dans les pièces liminaires, et les gloses interlinéaires, car les notes en bas de page, une fois lues «avec» et non plus après le sonnet, participent à (sinon de) la dynamique du poème. Or, ces gloses, quelquefois réduites à une espèce de degré zéro du commentaire , peuvent être amplifiées et transformées, devant la gravité du problème théologique, en de véritables disputes (disputationes), où se concentrent toutes les ressources de la dialectique. À la limite, elles se développent en autant de petits traités : Toute l'assertion de ce sonnet est véritable : mais elle n'est pourtant pas sans contredit & sans difficulté. Premièrement [...] Toutes ces interprétations sont bonnes [...] Nous y adiousterons la nostre [...] La seconde & plus grande difficulté est [...] Premièrement, il est certain [...] Secondement [...] En troisiesme lieu [...] Finalement, disent aucuns, on n'a jamais remarqué [...] Ce nonobstant l'opinion contraire [...] Reste à respondre aux arguments qui semblent combattre nostre opinion. De l'autre côté, la fixation du sens demeure, on s'en doute, la raison d'être de ces gloses. Celles-ci précisent d'abord l'acception littérale ou la «conformité» des termes et des images poétiques et théologiques: «Du Trine-vn. Vn docte Poëte de nostre temps appelé la saincte Trinité vne essance Triple-vne. Il eut mieux dit en bons termes de Théologie, Trine-vne [...] Nous disons donques [...] & suiuons les Pères». Ensuite, elles dégagent la signification d'un passage lorsque point le danger de la polysémie, source d'hérésie: Cet Alcide non feint. Le nom d'Alcide conuient à nostre Sauueur, pource qu'Alcide fut le dompteur des monstres & des meschans, côme le rapporte amplement des anciens Noël le Comte en sa Mythol. liu. 7. chap. 1. Et lesus-Christ a esté le vainqueur des monstres du péché, & de l'enfer ; & cet epithete, non feint, garantit ce vers du fabuleux mensonge : n'estanl point illicite de parler ainsi en Poësie & de chrestienner les fables. Ainsi lisons-nous en meint autheur Chrestien, le vray lupiter, le vray Apollon, le vray Neptune. Et, enfin, elles rappellent au lecteur, et cela en maints endroits, la signification des composantes du grand œuvre que sont les Théorèmes : « De la mort. La sentence de ces vers, & des quatre precedens se vérifie en mille lieux de l'Escriture [...] il nous suffira d'apporter l'exemple de Tobie». Alors, que penser 96 ÉTUDES LITTÉRAIRES AUTOMNE 1987 d'un tel commentaire ? En termes simples, s'agit-il d'un ouvrage quelque peu monstrueux à verser au dossier des controverses religieuses des XVI et XVII siècles ? Ou serait-on, au contraire, en présence d'une pratique textuelle susceptible de «déconstruire» notre conception de la poésie baroque et renaissante? Il serait facile, dès maintenant, d'effectuer ce renversement de perspective à la lumière d'un parallèle entre le discours du commentaire comme meditatio, « lecture pour soi, ne laissant pas de traces», et le commentaire réel de La Ceppède, lequel, comme le souligne Jean Rousset, «prend souvent le terme de "méditations" comme synonyme de sonnet». Ce qui revient à suggérer, d'une manière plus radicale, que les poèmes ne sont plus un texte comme tel, mais bien un commentaire en soi, et que les gloses servent moins à expliquer le « sens » (en tant que processus de signification) qu'à expliciter ou à rendre explicite le «sens» (comme lieu et direction de l'écriture/lecture). En bref, pour adapter une formule autrefois célèbre, les observations du poète nous montrent incessamment que le commentaire précède le texte, et que l'inverse ne saurait être qu'une illusion créée par la disposition typographique. Car, en effet, ce que signalent à satiété les gloses, c'est que les Théorèmes doivent être perçus et appréciés comme des expansions ou des recoupements du texte originel, c'est-àdire les Écritures saintes, telles qu'elles se donnent à lire dans « l'entretien infini » des Pères et des Docteurs de l'Église catholique : « Ce quatrain est basty sur les paroles jointes de lerem. au vers. 19, de S. Luc au chap. 13. vers. 7. &de laSapien.chap. 12. vers. 12. de toutes lesquelles ensemble, on tire ces traits propres aux luïfs ». Les sonnets actualisent la tradition comme la tradition envahit et assimile les sonnets; les notes ne font que rendre transparent un rapport d'immanence intratextuelle. Ce rapport est mis à nu à tous les niveaux du commentaire, de la remarque lexicale à l'exposition préliminairedu projet de l'œuvre. À la limite, tout, dans les Théorèmes, doit se ramener à une relation de conformité avec la tradition scripturaire : « Et dans mon costé plonge ta main. Les rithmes, & les paroles de ces deux vers 12. & 13. sont icy affectées, semblables à celles du premier quatrain, où nous auons couché & paraphrasé le dire de sainct Thomas, afin d'exprimer céte obseruation notable»; tout, dans ces mêmes poèmes, se conçoit ou LA CEPPÈDE, OU LA FUITE DU SENS 97 comme interprétation ou comme paraphrase: «lusques icy tout ce Son. est du texte de l'histoire selon Sainct Luc au 24. chapitre dépuis le verset 14. iusques au commanc. du 19. inclusiu. paraphrasé auec les PP. ». Or, ces parallélismes ne sont pas que ponctuels, car ils peuvent porter sur la totalité d'un poème ou sur une séquence de sonnets. Par exemple, le Sommaire de la seconde Partie présente le contenu du sonnet l.xxxviii d'une bien curieuse façon : « Belles remarques prises de l'Escriture saincte sur le nombre de quarante, rapportées par l'Autheur sur le sujet des quarante heures que le corps de lesus Christ demeura dans le sepulchre ». Non seulement La Ceppède r |
| Starting Page | 93 |
| Ending Page | 100 |
| Page Count | 8 |
| File Format | PDF HTM / HTML |
| DOI | 10.7202/500805ar |
| Volume Number | 20 |
| Alternate Webpage(s) | https://www.erudit.org/fr/revues/etudlitt/1987-v20-n2-etudlitt2234/500805ar.pdf |
| Alternate Webpage(s) | https://doi.org/10.7202/500805ar |
| Language | English |
| Access Restriction | Open |
| Content Type | Text |
| Resource Type | Article |