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Le " printemps arabe ", entre d ebat de normes et renormalisation
| Content Provider | Semantic Scholar |
|---|---|
| Author | Hulin, Thibaud |
| Copyright Year | 2012 |
| Abstract | A propos des soulevements en Egypte ou en Tunisie, un certain nombre d'interpretations, fortement mediatisees n'ont bien souvent rien fait d'autre que de relayer des fantasmes bien ancres au sujet des reseaux sociaux et leurs bienfaits pour la democratie dans un contexte de mondialisation. Parmi ces fantasmes, generalement encourages par ceux qui font commerce d'Internet, on relevera l'idee de changer le monde a l'aide d'un ordinateur, ou que l'acces partage aux nouvelles technologies tendrait a egaliser la repartition des pouvoirs politiques, etc. Cet optimisme dominant s'est heurte a un argumentaire contradictoire, porte par des specialistes comme Cottle (2011), qui ont rappele le role des conditions historiques endogenes, notamment que tout soulevement utilise des moyens de communication, ou que d'autres soulevements ont precede ces evenements: la diffusion de technologies nees en Occident ou aux Etats-Unis ne suffit donc pas a expliquer la situation politique presente. Ce double mouvement permet alors d'envisager une etude plus fine des reseaux numeriques arabes, dont l'emergence implique la revision de la carte de la communication politique. Les acteurs de l'espace numerique sont des individus, mais aussi des organisations politiques ou economiques qui defendent des interets prives et qui tentent d'imposer des " bons usages " d'Internet, ce que revele par exemple l'analyse du slogan " don't be evil " de Google (Simonnot et al., 2009). Pour comprendre les debats publics sur les reseaux sociaux arabes, il est donc necessaire de retrouver, derriere la notion d'identite numerique, souvent utilisee pour designer le phenomene de la " production soi " (Cardon et Delaunay-Teterel, 2006) du blogueur ou de l'usager d'un reseau social, sa dimension collective. Aucun militant du web ne redige seul, pour lui ou sur lui: il prend part a des debats organises collectivement, il defend ou revise ses valeurs qui sont plus ou moins partagees. Il s'inscrit en outre dans des identites collectives, professionnelles ou politiques, et envisage, de maniere plus ou moins explicite, de defendre des valeurs a partager. Ce faisant, il communique: le plus souvent il cohabite (Wolton et al., 2009) ou gere sa presence (Merzeau, 2010), plus rarement il transmet ou influence. Mais aussi, il modifie le medium lui-meme, les regles de la communication. Sur Internet, les outils et les interfaces evoluent en fonction de l'activite des usagers, le plus souvent reduite aux traces abandonnees (Denouel et Granjon, 2011). Enfin, l'experience de l'utilisateur modifie sa pratique d'ecriture en fonction de regles affirmees ou supposees. De ce fait, les identites sont elles aussi conduites a evoluer dans le champ d'une culture numerique qui contient partiellement des normes, c'est-a-dire des conceptions plus ou moins explicites de ce qui est normal par opposition a ce qui est pathologique. Dans ces conditions, quel modele de communication rendra compte des debats identitaires ? La proposition de Habermas (1998) de concevoir l'espace public comme un lieu de debat rationnel entre faits et normes rend insuffisamment compte, selon nous, du mode d'argumentation propre a la rhetorique des reseaux sociaux. Les concepts de " debat de normes " et de " renormalisation " (Schwartz, 2003) nous semblent assez bien rendre compte de l'activite communicationnelle numerique dans la mesure ou il s'agit d'une activite en devenir. Comme le remarque Canguilhem (1966), la norme n'est pas fondamentalement ce qui soumet la vie ; c'est plutot la vie qui cree des normes. Fut-ce de maniere microscopique, et malgre les affirmations militantes, les normes qui organisent les debats publics sont reajustees, modifiees, elles font evoluer le registre du normal. Comme le remarque Proulx (2002), " les parcours d'usage se tissent dans un environnement normatif en transformation ". Nous pensons pour notre part que les processus de reflexivite, voire d'" autoreflexivite " (Romeyer, 2004) influencent fortement ces transformations, ce qui implique un aller-retour constant entre le developpement des objets techniques et l'activite humaine d'ecriture. Les normes de communication, propres aux mediums, sont inseparables des normes individuelles ou collectives, propres aux acteurs. Le mode d'existence de ces objets techniques implique un " pli " (Latour, 2010) qui rend indistinct le projet technique du projet humain. Ainsi le support numerique modifie la maniere d'ecrire et de penser des usagers. Dans le cas du " printemps arabe ", il devient alors interessant de montrer l'influence que le support exerce sur les discours des parties prenantes. Notre hypothese est que les reseaux sociaux augmentent la reflexivite des acteurs, sur le plan individuel comme sur le plan collectif. Pour mettre a l'epreuve cette hypothese, nous avons analyse vingt blogs de militants tunisiens et egyptiens a forte audience. L'analyse de ces discours a permis de mettre en evidence une classification des figures de la rhetorique reflexive. Nous avons distingue, dans notre analyse, les assertions reflexives des autres types d'assertion, ayant eu un role de connaissance, d'organisation ou de transmission d'emotions. Nous avons aussi realise une enquete aupres de ces militants pour eclairer ces analyses. Enfin, nous avons compare ces discours avec ceux produits dans des reseaux sociaux: Twitter et Facebook. L'analyse des resultats nous permet de dresser une typologie de la rhetorique reflexive des acteurs, c'est-a-dire un mode d'argumentation cense produire des prises de conscience chez le lecteur concernant ses conditions de vie. La question de transformer cette normativite du vivant en un " ensemble de regles de conformite ", voire de standards, qui interessent M. Perriault (2006), indique ici une limite de notre travail sur laquelle nous ne nous prononcons pas. Ainsi, nous constatons que l'arrivee de nouveaux medias dans l'espace public de la Tunisie et de l'Egypte a modifie les normes non institutionnalisees de la communication politique, transitant d'un espace national relativement bien cadre vers un espace mondial, selon un triple mouvement. Premier mouvement: l'etat normal, celui de la legitimite politique, est devenu l'etat pathologique de la dictature aujourd'hui majoritairement reconnu. Ce mouvement ne soit pas occulter l'ensemble des debats de normes, peu unanimes, qui ont entraine des revisions de leurs normes par les acteurs, dans le cadre d'une " renormalisation ". Enfin, troisieme mouvement, les nouveaux medias ont renforce un processus d'identite et de reflexivite collective, selon lequel, comme le remarquait Dahlgren (2000, p. 178), " le net tend a deterritorialiser ". De ce fait, les nouveaux espaces publics virtuels entrainent le devoir-etre d'un tunisien ou d'un egyptien dans un espace mondial, un espace de normes mondialisees, et qui pretend acceder a l'universel. |
| File Format | PDF HTM / HTML |
| Alternate Webpage(s) | https://hal.univ-lille3.fr/hal-00826075/file/axe_3_colloque_cmn_hulin_v2.pdf |
| Alternate Webpage(s) | https://hal.univ-lille3.fr/hal-00826075/document |
| Alternate Webpage(s) | http://hal.univ-lille3.fr/hal-00826075/file/axe_3_colloque_cmn_hulin_v2.pdf |
| Language | English |
| Access Restriction | Open |
| Content Type | Text |
| Resource Type | Article |